Algérie : Les islamo-populistes de Rachad ne sont pas la maladie du Hirak, ils en sont les symptômes

Opinion - Le pouvoir accuse des activistes du Hirak algérien (dynamique populaire) de terrorisme. Parmi eux, Mohamed Larbi Zitout, cadre de Rachad, et son homme à poigne sur la toile, le blogueur Amir Boukhars, dit Amir Dz. Ainsi, le régime, inspiré par sa composante sécuritaire, lance un ultimatum aux autres activistes pour trancher la polémique sous-jacente dans ce mouvement spontané, déclenché par un refus populaire d'un cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika, il y a un peu plus de deux ans. Une polémique née d'une polarisation de plus en plus forte entre les islamo-populistes de Rachad, fondé sur les ruines du parti dissous du Front islamique du salut (FIS). Et le camp d'en face, allant des séculaires aux laïcards, qui les accusent de vouloir surfer sur la vague du Hirak pour blanchir le FIS de ses crimes durant la décennie noire.

Rachad s'est inscrit dans le temps, ses adversaires dans l'immédiat

Dans cette polarisation du Hirak, l'on ressent une crainte du camp démocrate, d'un remake de l'épisode douloureux de la décennie noire algérienne, quand le FIS remplissait le vide laissé par la dictature du FLN. Le mouvement Rachad tente, cependant, d'être plus intelligent et s'inscrit dans une approche de long terme, en alliant négationnisme de cette décennie noire, en pointant du doigt le pouvoir comme seul instigateur de la tragédie algérienne, et populisme, propulsé par les médias sociaux, allant jusqu'à approuver les méthodes subversives de Amir Dz. Mais Rachad n'est pas né du Hirak. Le mouvement s'est structuré à l'étranger et a patiemment attendu le moment opportun. Il a développé un réseau international de relations et une maîtrise de la communication 2.0.

Ses adversaires idéologiques dans le Hirak se sont vu prendre de court par la sophistication du dispositif islamiste. Notamment avec le terrain défraichi par le pouvoir, grâce à une école de plus en plus « islamisante » et une politique de compromis pour domestiquer le plus large spectre des islamistes.

La peur de la discorde : le mal du Hirak algérien

La spontanéité de la dynamique populaire, dit Hirak, a fait jaillir un espoir de changement dans le pays. Mais le Hirak n'est pas un mouvement politique, il n'a pas de socle commun de valeurs ni un projet de société. Son unité était garantie par un consensus sur l'hostilité au système. Au-delà de celle-ci, l'unité politique du Hirak est très critique, notamment au niveau idéologique.

Cette situation a fait naître une crainte de discorde au sein du Hirak. Avec la simple idée de renvoyer le débat sur les questions qui fâchent à une date ultérieure. Cette date est souvent liée à un éventuel renversement du système en place. Entre-temps, les islamistes de Rachad profitaient de l'élan populaire pour injecter des slogans dans les marches, recruter des militants et gagner en influence. Le pouvoir, de son côté, tente de saper la mobilisation populaire et les démocrates se résignaient à attendre la chute promise du régime.

Cette peur de la discorde, inspirée de l'unité romantique de la révolution algérienne- omettant le fait qu'une telle révolution n'aurait jamais pu réussir sans une organisation sophistiquée- a installé une dictature de pensée unique procrastinatrice. Profitant aux deux camps puissants, le pouvoir et les islamistes.

Absence d'une alternative sérieuse au duo islamistes - régime

Si cette polarisation du Hirak risque effectivement de profiter audit duo, c'est parce que le camp progressiste n'a pu élaborer aucun projet alternatif au statu quo et l'éventuel retour en force des islamistes. Ce camp progressiste a fini par espérer avoir un temps de parole sur la chaîne islamiste El Magharibya et à croire que le discours populiste de Rachad est le meilleur moyen pour se faire entendre par la population. Karim Tabbou, pourtant élève de l'école socialiste du Front des Forces Socialistes (FFS), s'est inspiré des islamistes pour balayer toutes les questions avec la réplique : « Le peuple décidera ». A défaut de « tout se trouve dans le saint coran ». Le camp progressiste se trouve dans la position très isolée, une minorité agissante, sur lequel chaque camp, islamistes et pouvoir, mise sur le fait d'amadouer pour gagner la partie.

Retour en haut
Share via
Copy link